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L’impact du covid-19 sur la sécurité sociale

Les opinions contenues dans cet article ne reflètent pas la pensée de Mode d'Emploi, mais uniquement celle de l'auteur.

Publié le par Julie Stenger

Bien que les comptes de la Sécurité sociale enregistraient un déficit de 1,9 milliard d’euros en 2019, il s’agissait de très bons chiffres en comparaison des années précédentes. Ils s’expliquaient par « une augmentation de la masse salariale de 3 % et par le dynamisme des recettes, liés à une baisse du chômage plus importante que prévu ».

Puis, le cataclysme… L’épidémie de Covid-19 est venue bouleverser toutes les prévisions. Le 22 avril 2020, Gérald Darmanin, Ministre de l’Action et des Comptes publics, auditionné par la Commission des affaires sociales du Sénat, annonce que le déficit de la Sécurité sociale est actuellement estimé à « 41 milliards d’euros » et en explique les principales raisons.

Cela recouvrirait a priori la couverture de l’ensemble des risques sociaux (Frais de santé, maladie, maternité, invalidité, décès, AT-MP, famille, vieillesse ). Mais, à l’heure actuelle, nous n’avons pas d’estimations par poste de dépense.

2020 détient donc la palme du déficit le plus important, juste devant l’année 2010 lorsque le déficit était de 28 milliards d’euros.

Comment s’explique ce chiffre de 41 milliards d’euros de déficit de la Sécurité sociale ?

L’effondrement des ressources de la sécurité sociale

Le report de paiement des cotisations sociales

Les ressources de la Sécurité sociale reposent principalement sur les cotisations sociales (64% des ressources totales en 2014).

Or, en cette période d’épidémie, les mesures de report des cotisations sociales pour les employeurs et pour les indépendants impactent fortement la trésorerie de la Sécurité sociale. « À titre d’exemple, le dispositif de report des charges sociales représente un manque à gagner de l’ordre de 14,2 milliards d’euros sur les 38 milliards d’euros de cotisations qui devaient être versés pour les mois de mars et d’avril » affirmait Gérald Darmanin devant la commission des affaires sociales du sénat.

Mais, d’après Gérald Darmanin, le Gouvernement étudierait l’éventualité d’annulations des cotisations sociales pour certains secteurs d’activité, notamment pour les restaurateurs. Le cas échéant, « le montant global de ces annulations de charges devrait atteindre près de 1 milliard d’euros » selon Gérald Darmanin. Il s’agirait alors de pertes significatives pour les comptes de la Sécurité sociale.

La hausse du recours au chômage partiel

Les ressources de la Sécurité sociale sont également impactées par le recours massif au chômage partiel. En effet, pendant cette période, le salaire n’est versé qu’en partie en cas de réduction de l’activité du salarié et, nullement en cas de cessation totale d’activité.

Cela a ainsi fortement fait chuter la masse salariale ; elle serait passée d’une hausse de 2,4 % à une baisse de 7,5 %. Or, les revenus d’activité constituent l’assiette des cotisations sociales ; la Sécurité sociale est donc dépossédée d’une importante partie de ses ressources.

De plus, pendant la période de chômage partiel, la loi prévoit le versement d’une indemnité (financée par l’Etat et l’UNEDIC) ; il s’agit d’un « revenu de remplacement » en ce qu’il compense une période d’inactivité partielle ou totale.

Elle est exonérée de cotisations sociales mais, soumise à la CSG et à la CRDS au taux de 6,70 %. Bien que la CSG représente environ 16,2% des ressources de la Sécurité sociale, cela signifie au final des recettes très limitées pour la Sécurité sociale.

Yann-Gaël Amghar, Directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), a indiqué, lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat, que « si sur un mois de mai classique, 10 % des salariés passent en activité partielle, cela ampute la masse salariale d’une année de 0,8 point, soit 1,7 milliard d’euros. Pour arriver aux 7,5 points de diminution de la masse salariale, cela signifie qu’environ 40 % des salariés du secteur privé sont en activité partielle pendant environ deux mois, en espérant revenir à un niveau d’emploi normal une fois ces deux mois passés. Au total, par rapport aux prévisions initiales, nous envisageons une baisse de 10 points, soit 22 milliards d’euros de réduction des recettes du régime général en 2020. ».

État des lieux du financement de la protection sociale
État des lieux du financement de la protection sociale Note du HCFiPS, mai 2020

L’explosion des dépenses de la sécurité sociale

L’augmentation des dépenses de l’assurance maladie

Pour faire face à l’épidémie actuelle de Covid-19, le gouvernement a pris une série de mesures exceptionnelles afin de protéger les individus, tant en facilitant l’accès aux soins qu’en leur assurant un revenu de remplacement dont :

  • La prise en charge à 100% par l’assurance maladie de la téléconsultation et du télésoin pour les patients présentant les symptômes de l’infection ou reconnus atteints du Covid-19, par décret,
  • L’indemnisation des arrêts de travail classiques et ceux dits « dérogatoires » dès le 1ier jour par l’assurance maladie, par décret,
  • Les aménagements de prise en charge des soins à l’étranger (hors UE),
  • La prolongation des droits à la Complémentaire santé solidaire (ex-CMU-C), à l’Aide à la complémentaire santé (ACS) et, à l’Aide médicale d’Etat (AME).

Certains postes de dépenses ont également fortement augmenté tels que les dépenses hospitalières, l’indemnisation des arrêts de travail ainsi que, les commandes de masques et de tests.

Enfin, une baisse importante de l’activité de la médecine de ville en raison du confinement a été constatée. Elle aurait diminué de 40 % pour les médecins généralistes et de 50 % pour les spécialistes ; « certaines professions sont quasiment à l’arrêt, comme les chirurgiens-dentistes, les masseurs-kinésithérapeutes ou encore les orthophonistes ». Cela a ainsi motivé la mise en place d’une aide financière aux professionnels de santé en ville dans le contexte du Covid-19.

L’aide aux travailleurs indépendants en difficulté

Face à la détresse financière des travailleurs indépendants en cette période particulière, plusieurs dispositifs ont été mis en place :

L’aide du Fonds de solidarité financée par l’Etat :
Elle a vocation à compenser les pertes de chiffre d’affaire au moins égales à 50%, dans la limite de 1500 euros. Le Fonds prévoit une aide complémentaire de 2000 à 5000 euros pour les travailleurs indépendants les plus en difficultés.

L’action sociale du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSI) :
Cette aide financière est destinée aux travailleurs indépendants non éligibles au Fonds de solidarité ; son montant varie en fonction de la situation. Mais, l’enveloppe financière étant limitée à 40 millions d’euros sur l’année, seuls les publics les plus en difficulté en bénéficieraient.

L’aide « CPSTI RCI COVID-19 » :
Il s’agit d’une aide plafonnée à 1250 euros nets à destination des artisans/commerçants et de leurs conjoints collaborateurs. « Cela représente une aide de 1 milliard d’euros, qui bénéficie à 1,3 million de travailleurs indépendants pour un montant moyen de 750 euros.». Elle est financée par un prélèvement sur les réserves du régime de retraite complémentaire des indépendants (RCI).

L’élargissement de l’aide aux salariés à domicile

Un dispositif a été mis en place « afin d’aider les particuliers employeurs se trouvant en difficulté à rémunérer leurs salariés et protéger ces derniers contre le risque de perte d’activité ». Cela a permis à « 361 770 salariés de bénéficier d’une prise en charge de 80 % des heures non réalisées au mois de mars pour un montant total de 76 millions d’euros au total ».

Le principe de compensation entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale

Actuellement, il existe un principe de compensation intégrale du régime de Sécurité sociale concerné par le budget de l’Etat pour toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations/de contributions sociales. La logique est que « les ministères prescripteurs d’une politique spécifique ayant pour incidence de minorer les recettes de la sécurité sociale doivent en assumer le coût».

Finalement, l’impact des mesures d’exonérations de charges sociales (indemnité légale d’activité partielle, aide du Fonds de solidarité pour les indépendants, etc.) serait a priori neutre sur les ressources de la Sécurité sociale puisqu’elles seraient a priori compensées par l’Etat.

Malgré tout, les ressources de la Sécurité sociale sont insuffisantes face à l’explosion des dépenses de la Sécurité sociale. Le Gouvernement prévoit donc de relever le plafond des ressources non permanentes que l’ACOSS est autorisée à mobiliser. Fixé initialement à 39 milliards d’euros pour l’année 2020, ce plafond a été relevé à 95 milliards d’euros.

Pour financer les dépenses de la Sécurité sociale, l’ACOSS peut s’appuyer à court terme à des prêts du secteur bancaire, notamment de la Caisse des dépôts et consignations ainsi qu’à des prêts en trésorerie de l’État. Ensuite, « À moyen terme, le Gouvernement entend mobiliser la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES), ce qui viendra réduire le besoin de financement à court terme de l’ACOSS, et proposera les mesures permettant de poursuivre le remboursement de la dette sociale. » ont annoncés Olivier VERAN et Gerald DARMANIN le 25 mars 2020.


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