Assurance chômage : de l’échec des négociations au décret de carence
Nous sommes le 20 février 2019, les partenaires sociaux, après plusieurs semaines de négociation et de péripétie, actent ensemble l’impossibilité de trouver un accord respectant la lettre de cadrage du Gouvernement.
L’une des conséquences directes de cet échec des négociations est l’entrée dans le régime dit de carence, c’est-à-dire qu’il incombe désormais au Gouvernement de rédiger la règlementation d’Assurance chômage.
C’est ainsi que naquit le décret de carence n°2019-797 fixant les nouvelles règles applicables en matière d’indemnisation du risque de perte d’emploi, autrement intitulé risque chômage.
Au menu :
- Modification de la condition d’ouverture des droits : il faut désormais justifier de 6 mois de travail sur les 24 derniers mois pour avoir droit aux prestations d’Assurance chômage (4 mois sur les 28 derniers mois précédemment)
- Alignement de la condition de mobilisation des droits rechargés sur la condition d’ouverture de droit : la mobilisation des droits rechargée est possible après 910 heures travaillées contre 150h précédemment
- Modification de la méthode de calcul du différé congé payé
- Mise en place de la dégressivité du montant des allocations d’Assurance chômage pour les « hauts revenus »
- La création d’un nouveau cas de démission légitime
- Mise en place du Bonus/malus sur les contrats court
- Modification de la méthode de calcul des allocations (modification de la détermination de la durée de droit et de la méthode de calcul du salaire de référence)
L’étude d’impact de la réforme de l’Assurance chômage 2019, faite par les services de l’Unedic, est disponible ici.

Une simple réforme paramétrique ?
La Réforme de l’Assurance chômage avec un grand « R » est une réforme beaucoup plus large que la simple modification des règles d’indemnisation via le décret de carence.
De nombreux textes ont et vont modifier le régime d’Assurance chômage, le transformant, petit à petit d’un régime assurantiel paritaire en un régime universel :
- La loi de financement de la Sécurité sociale 2018 a supprimé en deux temps les contributions salariales d’Assurance chômage,
- Décret n° 2018-1335 du 28 décembre 2018 a modifié l’échelle des sanctions applicables aux demandeurs d’emploi (passage d’une logique de suspension des droits à une logique de suppression des droits)
- La Loi du 5 septembre 2018 a notamment ouvert le régime d’Assurance chômage à certains employeurs public, supprimé définitivement la part salariale des contributions d’Assurance chômage et instauré la lettre de cadrage préalable aux négociations d’Assurance chômage, l’allocation pour les travailleurs indépendants, le droit aux prestations d’Assurance chômage pour certains salariés démissionnaires, ainsi que l’expérimentation sur le carnet de bord pour les demandeurs d’emploi.
- La Convention tripartite État / Pôle emploi / Unedic a transformé l’accompagnement de Pôle emploi vers les demandeurs d’emploi et les entreprises, tout en augmentant la part versée par l’Unedic pour financer cet accompagnement,
- La Loi de finances pour 2020 (article 51) a instauré une taxe forfaire de 10€ pour chaque CDDU
- Le Décret n° 2020-741 du 16 juin 2020 qui adapte et précise les règles d’Assurance chômage dans la fonction publique.

Réforme de l’Assurance chômage : une entrée en vigueur bousculée par le Covid-19
Au moment de la publication du décret de carence, il était prévu une entrée en vigueur en quatre temps :
- Au 1er novembre 2019 entrait en vigueur le premier volet de la réforme, à savoir notamment les nouvelles conditions d’ouverture de droit et de mobilisation des droits rechargés, ainsi que la dégressivité
- Au 1er janvier 2020 entrait en vigueur la taxe forfaitaire de 10€ sur les CDDU
- Au 1er avril 2020 entrait en vigueur le second volet de la reforme à savoir la nouvelle méthode de calcul des droits (montant de l’allocation et durée de droit) ainsi que la nouvelle méthode de calcul du différé congé payé
- Au 1er janvier 2021 entrait en vigueur le Bonus/ malus
Cependant, avec la crise de la Covid-19, le Gouvernement a dû changer ses plans :
- Le second volet de la réforme des règles d’Assurance chômage qui auraient dû s’appliquer à compter du 1er avril 2020 a été décalé au 1er septembre 2020 par le décret no 2020-361 du 27 mars 2020
- La taxe CDDU de 10€ a été supprimée dans le troisième projet de Loi de finance rectificative pour 2020
- L’Ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 prolonge les droits des demandeurs d’emploi qui arrivent en fin de droit durant le confinement.
- Le Décret n° 2020-425 du 14 avril 2020 suspend la dégressivité et neutralise la période de confinement pour le calcul des droits aux chômages
- La Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 (dont notre décryptage est disponible ici) prolonge notamment les droits jusqu’au 31 août 2021 au plus tard pour les allocataires des annexes 8 et 10 (artistes et techniciens intermittents du spectacle), et jusqu’au 31 juillet 2020 au plus tard pour les demandeurs d’emploi résidant à Mayotte.
Réforme de l’Assurance chômage : les arbitrages de jean Castex
La réforme des règles d’indemnisation du risque chômage a été pensée dans un contexte de croissance, pour un contexte de croissance. Elle n’est donc pas adaptée à un contexte économique de crise.
À ce titre, le 17 juillet 2020, le nouveau premier ministre, Jean Castex a rassemblé les partenaires sociaux notamment pour présenter les arbitrages sur le devenir de la réforme.
Il en découle que le Gouvernement ne souhaite pas renoncer à la réforme, mais propose un simple décalage dans le temps de la réforme au 1er janvier 2021, il s’agit de :
- Les conditions d’entrée repasseront de 6 à 4 mois
- La dégressivité
- Le nouveau mode de calcul de l’allocation
- La nouveau mode de détermination de la durée de droit
- Le Bonus / Malus
Enfin, une annonce d’importance a été faite, puisque le Premier ministre a proposé aux partenaires sociaux de se retrouver en octobre 2020 pour aborder l’épineuse question de la Gouvernance de l’Assurance chômage…
Vaste programme !