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Télétravail : Une liberté à trouver

Les opinions contenues dans cet article ne reflètent pas la pensée de Mode d'Emploi, mais uniquement celle de l'auteur.

Publié le par Arthur Brunelliere

Le 5 octobre dernier, la rédaction de M-Emploi vous a présenté un article intitulé « Télétravail : l’Eldorado des inégalités ? ». Fière du débat interne enrichissant qui l’anime, la rédaction vous propose aujourd’hui un droit de réponse sur ce sujet.

Il faut tout d’abord pointer un fait majeur occulté dans le précédent article, le télétravail aujourd’hui en France pour les salariés du secteur privé, hors période de crise, reste un choix qui doit être exercé de façon volontaire.

On est donc libre de télétravailler ou de ne pas télétravailler quand on le peut. Or le problème aujourd’hui en France n’est pas l’exercice du télétravail, mais les difficultés d’accès pour les salariés.  

Le télétravail, vecteur de liberté professionnelle

La plupart des métiers du secteur tertiaire, s’exerçant sur un poste informatique, sont télétravaillables.

Cette tautologie concerne bien entendu aussi les fonctions supports, ainsi que l’a démontré l’ANDRH ce sont même les premières fonctions concernées par le télétravail (40% avant le confinement, 85% pendant le confinement).

L’égalité n’est pas l’uniformité, elle consiste en effet à traiter des situations identiques de manières identiques. Ainsi, certes, pendant le confinement, les salariés dits « en première ligne » ont risqué leur vie, car ils n’avaient pas la possibilité de télétravailler : les fonctions d’approvisionnement, de transport, de soins ne peuvent s’effectuer à distance.

Mais faut-il pour en autant en conclure de manière absurde que ceux pouvant télétravailler, devait ne pas le faire au nom de l’égalité face au risque de mort ? Fallait-il en conclure qu’une fois le risque passé le télétravail doit être proscrit pour tous même s’il simplifie la vie de certains ?

Si le coronavirus a créé cette situation d’inégalité, le télétravail a sauvé des vies durant cette période et pourra en améliorer certaines autres une fois le confinement passé.

Le télétravail, vecteur de liberté psychologiques

Là encore il ne faut pas confondre le travail à la maison sauvage, uniformisé, imposé, et parfois en présence de ses enfants qui a eu lieu pendant le confinement, avec le télétravail négocié, encadré et surtout choisi qui a lieu dans les temps habituels de travail et qui n’est malheureusement pas encore assez généralisé en France.

Si 44% des salariés ont certes subi une dépression face à ce télétravail sauvage durant le confinement,  il en est de même dans des proportions identiques pour les salariés qui n’ont pas télétravaillé (40%).

Ce pourcentage de dépression n’a jamais été constaté pour les salariés exerçant classiquement leur profession en télétravail.

télétravail
Télétravail -Photo de Vlada Karpovich provenant de Pexels

Le télétravail, une liberté spatiale

L’article précédemment cité reprochait de manière paradoxale au télétravail, à la fois au rat des villes dont la maison était mal isolée des bruits de circulation et au rat des champs n’ayant aucun réseau wifi, d’être inégal face au télétravail. Cette contradiction ne résiste pas aux faits.

Le télétravail, c’est la liberté de se déplacer ou de ne pas se déplacer dans 99,3% du territoire français ayant accès au haut débit. C’est la liberté d’être rat des villes une partie de la semaine et rat des champs une autre partie. C’est la possibilité du mouvement et l’adoucissement de la sédentarisation et peut-être d’un repeuplement rural.

Le télétravail ne produit pas de discrimination liée au sexe ou à l’âge

Le télétravail classique est une modalité d’exercice du travail, il ne provoque pas en soi de discrimination liée au sexe ou à l’âge.

Les enquêtes de l’INSEE, antérieure au confinement montrent que les différences de pratique du télétravail entre sexes (2,9% des femmes, 3,2% des hommes) et par âge (2,0% des 15-29 ans et 2,9% des 50-59 ans) sont quasiment infimes.

Il faudra vérifier si cet accès égal perdure au-delà de la crise. Le principe de non-discrimination pourra utilement être utilisé à l’avenir pour sanctionner les restrictions d’accès qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Le télétravail, vecteur d’évolution technologique

99,3% du réseau français est couvert par le haut débit et 98,3 % des Français ont en effet accès à des services ADSL depuis leur domicile. Le pourcentage de français ne pouvant pas télétravailler correctement reste donc infime.

De plus, les réunions en visioconférence bien qu’elles souffrent de certaines insuffisances, fonctionnent dans leurs grandes majorités correctement. Il n’y a pas eu de bug généralisé durant la période de confinement. De plus, elles permettent d’accéder à certaines modalités, comme notamment le partage d’écran, qui facilite la présentation de document par rapport aux réunions en présentiel (nécessité de se procurer un vidéoprojecteur, trouver une salle de réunion …). 

Le télétravail, vecteur d’évolution du management  

Enfin le télétravail est un vecteur d’évolution du management, il facilite un regard porté directement sur le travail réalisé et non sur la présence des salariés à leurs postes. Le travail est plus facilement jugé sur pièce et non à la déférence que l’on a pour son supérieur hiérarchique.

Un nouveau management à distance est donc à construire dans ce cadre et nécessitera peut-être une formation des encadrants sur ce sujet pour faciliter cette évolution.

Conclusion

Pour conclure, Tocqueville disait dans l’Ancien Régime et la Révolution « les Français veulent l’égalité, et quand ils ne la trouvent pas dans la liberté, ils la souhaitent dans l’esclavage. ». Restons esclaves de notre métro-boulot-dodo, restons esclaves de nos réunionites et de notre présentéisme, restons esclaves de nos hiérarchies et de nos petits chefs, restons esclaves de nos urbanités bétonnées, restons esclaves, car il n’y a pas assez d’égalité dans ce télétravailiberté !  

Sans ironie, chaque salarié, lorsque cela est matériellement possible devrait pouvoir choisir, de façon réversible, de réaliser le nombre de jours de télétravail qu’il souhaite. Cette liberté bien plus répandue dans les pays anglo-saxons n’est malheureusement pas dans notre belle tradition française hiérarchisée, implicite et critique. Libre à nous de la trouver.

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